vendredi 13 juin 2014

I, AN ACTRESS (George KUCHAR, 1977)



I, an Actress s'apparente aux « films de cours » tournés par George Kuchar au San Francisco Art Institute. 
Il y filme l'une de ses étudiantes répétant une scène de théâtre sous sa direction, en vue d'une audition. 
Dans la scène en question, une femme invective violemment son compagnon, figuré par un mannequin portant perruque et manteau. George interrompt sans cesse la comédienne pour la pousser à extérioriser ses émotions de façon toujours plus extrême. Il déclame ses répliques avec hystérie, lui montre comment elle doit se caresser les seins, sauter en l'air, ou ramper sur le sol. 
Il donne à son élève hilare, ainsi qu'aux spectateurs, une délirante leçon de Camp, où il libère une féminité agressive et exacerbée. Ce faisant, il démontre que le métier de comédien ne doit pas être pris trop au sérieux, que le réalisme n'est pas nécessaire à l'authenticité. Le sujet de la scène répétée permet l'expression d'une révolte contre l'hégémonie masculine ; le partenaire-mannequin devient un défouloir qui, à force d'être malmené, finit par "perdre la tête" au sens littéral. 
Mais Kuchar se montre lui-même despotique, empêchant la comédienne de terminer ses répliques et lui faisant adopter des postures équivoques (il la fait se jeter aux pieds du mannequin, dans une position évoquant une fellation). Il en ressort une vision brutale des rapports de sexe, dans une profession où la femme fait toujours l'objet d'une exploitation, même au sein d'un projet qui veut dénoncer cet état de fait (en profitant de la répétition pour réaliser son propre film, Kuchar exploite son étudiante). 
Au final, ce petit film se révèle une charge postféministe percutante, ainsi qu'une démonstration drolatique de la porosité des genres sexuels et de leur caractère performatif.


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